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septembre 17, 2008

Le nazisme comme produit des Lumières

Un des plus grands succès de l’idéologie contemporaine est d’avoir installé durablement l’idée que le nazisme était réactionnaire – donc, profondément de droite, et que par effet de miroir tout ce qui était de « droite dite-dure » était assimilable au nazisme (cf. la ridicule utilisation du terme rafle par les biens-pensants).

Rien n’est plus faux, pourtant. Le nazisme est à de nombreux égards, une idéologie impossible sans les « apports » conceptuels des prétendues-Lumières (qui fondent l’identité de l’Europe selon la Bibliothèque Nationale).

Sur ce sujet polémique, je tenterais de faire court. Trois fondamentaux issus des Lumières du XVIII ème siècle ont mis le pied à l’étrier au nazisme (sans pour autant le générer nécessairement, cela est un autre sujet) :

– l’humanité fondée par les textes

Les Lumières abattent l’idée de Dieu (à défaut de le tuer, le mettent au placard). Avec Dieu s’envole l’âme, si j’ose dire. Ainsi notre « humanité » ne découle-t-elle plus de la Création divine, de la « glaise dotée d’une âme ». Comment la fonder désormais ? Au travers de textes considérés comme fondateurs, constitutions, manifestes et déclarations diverses. Or les textes sont des produits de l’activité humaine. Notre « humanité » s’en retrouve donc précarisée, livrée aux humeurs de l’activité législative, y compris lorsqu’elle devient folle, comme avec le nazisme.

« Le passage à l’acte hitlérien ne consiste pas seulement en une pratique légalisée des assassinats, il est accompli déjà dans le fait de rédiger la législation comme texte purement fonctionnel. Une telle législation n’est pas un texte, mais un geste comptable d’essence bouchère. » in Le crime du caporal Lortie, Pierre Legendre

Ce qui est fondamental ici, c’est de repérer le nazisme en son essence non pas à ses conséquences (la pratique légalisée des assassinats en masse) mais dans les principes qui le fondent, ou plus exactement dans l’effondrement des principes qui le rend possible. À partir du moment où le droit devient un dispositif technique, qu’il perd son statut de Référence, la folie n’est pas loin, et le cortège d’horreurs qui la suit. Le droit est un texte qui comme tel s’oppose au geste comptable. Le texte institue l’humanité de l’homme. Le geste comptable l’oublie pour ne s’intéresser qu’à la viande, soit les corps placés dans des dispositifs de production. (commentaire sur Pierre Legendre)

Cette régression du statut de l’homme donnait ainsi naissance à des formules odieuses impossibles avant les Lumières :  » Ces hommes étaient rayés du livre de la République, on m’avait dit de les faire mourir sans bruit…  » (Capitaine Laly, du ponton « Les deux Associés », 1794).

L’idée que l’homme n’est qu’un tas de viande et d’os est ainsi un produit paradoxal de l’humanisme des Lumières. L’homme chrétien est doté d’une âme. Supprimez l’âme, et vous n’avez plus qu’un animal, doublé d’un citoyen. L’homme de la féodalité s’inscrit dans un système complexe de services à double-sens. Le citoyen au contraire, ne se définit qu’en tant que propriété comptable d’un Etat, qui peut s’en débarrasser du jour au lendemain.

Conséquence immédiate : comment se « débarrasser » en masse de groupes décrétés comme « déshumanisés ». A quelle époque de l’histoire humaine la question du meurtre de masse s’est-elle posée auparavant ? Jamais à ma connaissance. La Révolution se pose ouvertement la question de l’amélioration des techniques du meurtre de masse : c’est l’invention des pontons, des noyades de masse comme à Nantes, ou celle de la guillotine. La guillotine, techniquement possible dès les Moyen-Age, n’était alors pas nécessaire. C’est aussi la naissance du génocide moderne, dont les critères établis par la jurisprudence de Nürnberg sont réunis dans le cadre de la Vendée. Ce meurtre de masse sera porté, par les totalitarisme nazis et communistes, à l’ « excellence technique ».

– la société comme sujet d’expérimentation (esprit de système, victoire de la philosophie)

Les Lumières voient la victoire des philosophes. Reprenant le fantasme platonicien, les philosophes se vivent en ordonnateurs éclairés de la société. Comme Jeremy Bentham, ils proposent aux gouvernements, monarchiques ou républicains des constitutions, des lois, des règlements carcéraux, etc. Tout est sujet de connaissance et de classement, y compris l’art dont l’harmonie est le résultat d’un système (cf. Rousseau : dissertation sur la musique moderne). Les sociétés humaines n’échappent pas à cet activisme curieux. Il faut refonder les relations humaines et les régimes politiques, et les philosophes qui le prônent sont tous disposés à s’en charger. L’esprit de système dissèque les nations et les régimes comme des taupes ouvertes épinglées à une planche de liège. Conséquence de cette vanité humaine : le médecin-légiste se croit supérieur au créateur, car il peut fouiller les rouages, dont il prétend comprendre le fonctionnement. Les totalitarismes ne sont pas concevables sans cette prétention à réorganiser la société en dehors des cadres du droit naturel.

– l’homme comme sujet d’expérimentation

Le fantasme de réorganisation de la société, heureusement, se heurte à la nature humaine, cause de l’échec des grands systèmes totalitaires du XX ème siècle. Mais une fois l’homme déshumanisé, pourquoi ne pas modifier l’homme lui-même ? « Extirper le fanatisme » (1789) ou « l’individualisme bourgeois » (1917), ou bien développer une race supérieure, tout ces « progrès » font de l’homme un sujet d’expérimentation, que le scientisme demande et la déshumanisation lumineuse permet.

L’ « expérimentation sur le matériau humain », symbole de l’horreur nazie, est un produit de cette régression de l’homme au statut d’animal. Le philosophe français Pierre Legendre a tenté de montrer que le nazisme, surfant sur le scientisme et le matérialisme des Lumières, le pousse à ses limites : le meurtre de masse. Ce meurtre de masse, décomplexé par le nazisme, serait aujourd’hui à l’oeuvre dans l’avortement.

Sommes-nous sortis (du nazisme) ?

Non répond Legendre, nous n’avons pas liquidé le nazisme. Et nous n’en aurons pas terminé avec lui tant que nous n’en aurons pas terminé d’abord avec la bio-politique, les techniques qui l’autorisent, et les fins qu’elle poursuit : des règles pour le parc humain

Tout est-il à jeter dans les Lumières ? Ce n’est pas mon propos. Et je ne le crois pas. En revanche, je crois que le lien de filiation conceptuel entre le nazisme et les Lumières est constitué. C’est pourquoi les catholiques devaient impérativement, et plus que tous les autres, combattre le nazisme. C’est aussi pourquoi les catholiques contemporains devraient prendre leurs distances avec les conséquences et les concepts des Lumières donc l’action néfaste est de plus en plus visible.

(Un sujet bien vaste et traité bien vite. Je vous invite à me laisser vos contributions et références pour la mise à jour et le développement de l’idée.)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . un blog conservateur parmi tant d’autres . . .

La guerre civile européenne.

Dans un post précédent je faisais référence à la notion de « guerre civile Européenne » pour qualifier les deux guerres mondiales. C’est une référence qui peut effectivement paraître surprenante au premier abord ; Mais il y a un moment déjà, qu’après avoir lu Ernst Nolte et Dominique Venner, j’ai fait mien ce concept, tant il me paraît juste. Et je vais essayer de le clarifier.

« Il y avait déjà longtemps, écrit Voltaire en 1751, que l’on pouvait regarder l’Europe comme une espèce de Grande République, partagée en plusieurs états, les uns monarchiques les autres mixtes, mais tous ayant un même fond de religion, tous ayant les mêmes principes de droit public et de politique inconnus dans les autres parties du monde. Ces par ces principes que les nations Européennes ne font point esclaves les prisonniers, qu’elles respectent les ambassadeurs de leurs ennemis et qu’elles s’accordent surtout dans la sage politique de tenir entre elles une balance égale de pouvoir. » (cité par Dominique Venner, Le siècle de 1914, p ;9)

Au lendemain des deux guerres, il ne restait plus en Europe que les ruines de son ancienne civilisation, tandis que s’imposait la domination sans partage de puissances étrangères, le démocratisme libéral Anglo-saxon et le communisme Soviétique (l’Europe gouvernée ici par des sénateurs américains, là par des commissaires soviétiques, selon le mot célèbre de Raymond Aron) ; La première guerre mondiale ayant sonné le glas des trois empires (Allemand, Austro-Hongrois, Russe) et des aristocraties qui charpentaient l’Europe, la seconde celui des mouvements révolutionnaires fasciste et national-socialiste.

Voltaire lorsqu’il évoque cette « Grande République » illustre bien la conscience que des hommes éclairés avaient déjà à cette époque d’une appartenance européenne, très antérieure au concept moderne d’Europe, d’une identité commune, d’une communauté de culture grecque, celte, romaine, franque et chrétienne.

Mais c’est Ernst Nolte (La guerre civile Européenne, 1917-1945) qui développe le premier ce concept de « guerre civile Européenne », en partant du constat que la prise du pouvoir par les bolcheviks en 1917 en créant une situation totalement inédite (un parti/ état minoritaire animé d’une puissante idéologie prenant seul le pouvoir dans un grand pays et prêchant une guerre civile à l’échelle nationale et internationale), en exprimant l’intention, crédible, de bouleverser radicalement le monde entier, a provoqué une réaction en chaîne dont est, en partie, sorti le nazisme. Pour Nolte, c’est cette peur de la révolution communiste- perçue comme révolution antinationale- qui a provoqué l’émergence d’un vaste mouvement contre-révolutionnaire et antibolchevique, dont les nationaux-socialistes étaient un des groupes les plus radicaux. Nolte, qui fut diabolisé et ostracisé en Allemagne par une certaine gauche et extrême gauche pour cette théorie dite du « nœud causal », mais aussi parce qu’il osa comparer communisme et fascisme (normal  Italien ou radical Allemand, selon sa distinction) en arguant de leur nature totalitaire commune, fut rejoint secondairement par François Furet : « ce type d’interprétation comporte une part de vérité, dans la mesure ou la peur du communisme a nourri les partis fascistes, mais à mon sens seulement une part : car elle a l’inconvénient de masquer ce que chacun des régimes fascistes a d’endogène et de particulier au bénéfice de ce qu’ils combattent en commun. » (Fascisme et communisme, commentaire/Plon, P.45)

En déclarant la guerre civile mondiale, Lénine a inauguré un processus incontrôlable, lui même induit en partie par la première guerre mondiale et le gigantesque traumatisme -ensauvagement- qu’elle a provoqué au cœur de cette société Européenne.

C’est cet enchaînement funeste –première guerre mondiale, naissance de ce parti/ état bolchevique de la guerre civile, émergence des mouvements contre révolutionnaires fascistes devenant à leur tour des partis/ états de guerre civile et internationale- qui constitue cette guerre civile Européenne qui prend fin en 1943 et 1945 avec l’écrasement du fascisme Italien et du fascisme Allemand. Cette guerre civile européenne, décrite et analysée par Nolte, est devenue après 1945, une guerre civile mondiale qui n’a pris fin qu’en 1991 avec l’implosion du système soviétique.

source : http://hoplite.hautetfort.com/archive/2007/05/29/la-guerre-civile-europeenne.html

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